La cacherouth

Un dossier préparé par K. Acher
www.kacher.fr . Mise à jour le

 

L'identification du gamal, chafan et arnevet de la Torah.

 

L'identification du gamal, chafan et arnevet de la Torah.
Rabbi Meyer Lubin.

Introduction.

Cet article a paru en 1973, dans la revue Intercom de l'Association of Orthodox Jewish Scientists. Il a nous été transmis traduit par X, sans le document original et nous nous sommes efforcés de le transcrire et au besoin le réécrire. Les chapitres et titres de chapitres sont de ce fait de notre main.
Le point de vue de Rabbi Meyer Lubin ne fait pas l'unanimité, mais mérite d'être connu, afin de sortir de la routine qui voudrait voir en chafan et arnevet le lièvre et le lapin ou encore la gerboise, ou pour les anglo saxons un hyrax etc… toutes traductions soumises à des critiques, notamment sur la rumination ou plutôt la non rumination de ces espèces, dont le volume dépasse l'espace alloué par notre hébergeur.
Cet article pourrait n'intéresser que les podologues, tant il est axé sur la nature des pieds de ces deux animaux, et fait impasse sur la rumination. Parle-t-on de rumination dès lors qu'on voit un animal mâchouiller en permanence, serait ce ses régurgitations ou ses déjections, ou ruminer signifie une anatomie digestive de trois ou quatre estomacs différents et ayant chacun leur physiologie propre? La réponse à ces questions concernera le lapin, le lièvre et le hyrax (ou daman) … que notre auteur écarte d'emblée pour des raisons podologiques! A moins de remettre en question la notion exclusive de rumination définie par "maalé guera" et "lo yigar".(http://www.aishdas.org/toratemet/en_pamphlet2.html) avec des notions de digestion et redigestion…
Un lecteur nous a fait parvenir une référence d'un article qui traite intensivement de la question: http://www.rationalistjudaism.com/2019/03/the-camel-hare-and-hyrax.html?f
bclid=IwAR13qUJPt-qw6qB7X1ZWKSl8oHkRcchA0IqgdFigLq1X21lbEAmKKF4R8e8

La traduction "pied corné" de notre traducteur inconnu nous a fait hésiter. Il désigne de fait un sabot de corne, qui sera on non un  "sabot fendu". Un pied corné non entièrement séparé évoque plutôt une patte, pas forcément de velours, terminée par deux doigts équipés d'ongles volumineux mais qui ne sont pas porteurs du poids du corps. Mais laissons le Rabbin Meyer Lubin nous le dire.

La rédaction de K.Acher présente ces textes pour information, et aucun ne nous satisfait entièrement.

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Présentation du sujet.

La Bible du Rabbinat Français traduit comme suit les versets 3 à 7 du chapitre 11 du Lévitique.
"3 - Tout ce qui a le pied corné et divisé en deux ongles, parmi les animaux ruminants, vous pouvez le manger.  
4 - Quant aux suivants, qui ruminent ou qui ont le pied corné, vous n'en mangerez point: le chameau (gamal) , parce qu'il rumine mais n'a point le pied corné (oufarsa einenou mafriss): il sera immonde pour vous;  

Gerboise
5 - la gerboise (chafan), parce qu'elle rumine, mais n'a point le pied corné (oufarsa lo yafriss): elle sera immonde pour vous;  
6 - le lièvre (arnevet), parce qu'il rumine, mais n'a point le pied corné (oufarsa lo ifrissah): il sera immonde pour vous;  
7 le porc, qui a bien le pied corné, qui a même le sabot bifurqué, mais qui ne rumine point: il sera immonde pour vous.

Dans le Deutéronome 14, versets 6 et 7 nous retrouverons:
6 - Bref, tout quadrupède qui a le pied corné et divisé en deux ongles distincts, parmi les animaux ruminants, vous pouvez le manger.  
7 - Mais vous ne mangerez point les suivants, qui ruminent ou qui ont l'ongle fendu seulement: le chameau (gamal) , le lièvre (arnevet), la gerboise (chafan) (car ils ruminent, mais n'ont pas l'ongle fendu corné (oufarsa lo ifrissou): ils seront impurs pour vous);
 8 - ni le porc, parce qu'il a l'ongle fendu, mais ne rumine point: il sera impur pour vous. Ne mangez point de leur chair, et ne touchez point à leur cadavre.

La traduction anglaise de la Jewish Publication Society utilise le mot "rock badger" pour chafan et le Dr J.H. Hertz y ajoute "ou le lapin".

Daman ou hyrax

De même, la traduction Soncino de Houlin 59a donne "rock badger" (blaireau des roches) pour chafan, et lièvre pour arnevet.  Isaac Levy, dans sa traduction du Pentateuque du Rav S. R. Hirsch suppose que chafan est le lapin, et arnevet le lièvre. Les auteurs anglo saxons parlent surtout de lièvre et d'Hyrax (daman).
Ben Yehouda, dans son dictionnaire traduit arnevet par lièvre et utilise rock badger ou le lapin pour chafan.
Un examen des textes de Jastrow, Grossman, et Efros et al. Donne un ensemble constant de de lièvre, blaireau (gerboise) ou lapin pour chafan et arnevet.  Les références constantes au "lapin de la Bible" des dictionnaires et des encyclopédies donnent l'impression que le monde non juif traduit ces mots de la même façon.  Un Roch Yéchivah de Jérusalem  m'a dit que pour la majorité des israéliens  les mots chafan et arnevet se réfèrent indifféremment au lapin et au lièvre.

Questions

Néanmoins, bien que toutes les respectables autorités citées ci dessus soient d'accord entre elles, et nonobstant leurs grandes connaissances dans le domaine de la traduction, ces traductions de chafan comme lapin,  rock badger (ou gerboise) et de arnevet comme lapin ou lièvre doivent être remises en question.
Pour prouver qu'aucun de ces animaux n'est un ruminant et n'a pas non plus le pied corné et encore moins divisé en deux ongles, nous nous appuierons sur ces traducteurs eux mêmes.  Le Rav S. R. Hirsch écrit: "(…) il ne s'agit ni pour l'un, ni pour l'autre, d'un animal à pied corné. (…) On considère généralement chafan comme lapin, et arnevet comme lièvre. Mais cette traduction ne pourrait être exacte que si nous étions certains que ces deux animaux sont des ruminants, ce qui ne semble guère être le cas".
Cette remarque exclut donc le lièvre et le lapin du cadre de chafan et arnevet.
En ce qui concerne la traduction "rock badger" (blaireau des roches) pour chafan, et lapin pour arnevet, le Dr Hertz écrit dans ses annotations: "cet animal (blaireau ou lapin, ainsi que le lièvre, ont l'habitude de remuer la mâchoire comme s'ils mâchaient de la nourriture" (le mot souligné comme est de l'auteur).

Nous avons déjà mentionné par la citation du Rav Hirsch que cela ne fait pas d'un lapin un ruminant  Mais la preuve la plus concluante est qu'il est inconcevable que la Torah qui précise au poil près que si deux poils d'une plaie de "lèpre" blanchissent la personne est impure et doit déchirer ses vêtements, se couvrir comme une personne en deuil et s'isoler, ou que si la section de la moitié seulement de la trachée et de l'œsophage rend la bête non consommable, alors que pour un millimètre de plus elle serait cachère, qui donne dans le détail pour dire ce qui est permis ou ne l'est pas, puisse prendre pour un ruminant un animal qui ne l'est pas.  Et une fois établi que la gerboise et le lapin ne ruminent pas, il n'est plus nécessaire de se référer à l'absence de pied corné, car dès lors ils ne sauraient être le chafan et arnevet de la Torah!

Nous pensons que le nom anglais de rock badger fut adopté parce que "chafan" apparaît dans le Psaume 104, 18, et dans les Proverbes 30, 26, comme vivant dans les rochers. (Psaumes 104, 18: 18 "Les montagnes escarpées servent de retraite aux chamois, les rochers de refuge aux gerboises". Proverbes 30, 26: "les gerboises, peuple sans puissance, établissent leur demeure dans les rochers")
Si cette hypothèse était bonne, elle prêterait à rire, car "rock badger" provient de l'ancien anglais "brack", qui désigne le blaireau ("badger").
Ainsi les désignations "brock badger" et rock badger" sont des pléonasmes, qui n'ont rien à voir avec les rochers!

Pattes avant de lapin
Mais le Rav S.R. Hirsch ne fut pas le premier à remettre cette traduction en question. Nous trouvons que Daat Zekenim MiBaalei Hatossafot (environ XIIème siècle) concernant Lévitique 11, 27 demande pourquoi chafan et arnevet ne sont pas interdits au titre qu'ils marchent sur leur patte de la même façon que l'ours, le chien ou le chat.  (Lévitique 11, 27: Tous ceux d'entre les animaux quadrupèdes qui marchent sur la paume  (ou plante: kapav), sont impurs pour vous: quiconque touche à leur cadavre sera souillé jusqu'au soir).
Il en ressort que la traduction traditionnelle de chafan et arnevet était déjà mise en question à cette époque.
Ce que dit Daat Zekenim en quelques mots est ce que nous faisons remarquer depuis le début, à savoir que le blaireau, la gerboise etc… sont défendus, mais ils ne le sont pas parce qu'ils auraient le pied corné et non entièrement divisé en deux ongles, mais plutôt parce qu'ils marchent sur les coussinets (pelotes) de leur patte, qu'ils n'ont pas le pied corné du tout, et qu'ils ne ruminent pas.
Eléménts
C'est une chose de démontrer qu'une traduction est incorrecte, c'en est une autre de trouver une traduction correcte.
Quels sont les deux animaux en dehors du chameau qui sont ruminants, ont le pied divisé en
deux ongles mais joints en dessous comme le chameau, et qui sont donc défendus
par la Torah  pour ces caractéristiques?
Le Dr Hertz écrit: "au bas du pied du chameau, il y a un bourrelet ou
coussinet élastique qui permet au chameau de prendre pied dans le sable. Ce
bourrelet fait que le pied n'est pas entièrement divisé.

Nous avons donc commencé par chercher des animaux ayant, bien entendu le pied
corné, mais aussi un bourrelet au bas du pied.  Nous avons constaté que l'antilope dicranocère (NDT: ??), le beira
(autre famille d'antilope) la chèvre des montagnes et le chamois ont des bourrelets
en bas du pied.

Ces animaux peuvent ils être chafan
et arnevet? Pas du tout. Le Dr Karl
F. Koopman, Conservateur Adjoint du Département des Mammifères du Musée Américain
d'Histoire Naturelle a écrit que le chameau marche sur son bourrelet, qui
est un coussinet large, épais et fibreux. Les animaux mentionnés ont un bourrelet
mince, étroit et cartilagineux, qui ne porte pas le poids de l'animal. Leurs
pied est donc fondamentalement semblable à celui de la vache, du mouton, de
la chèvre, et non pas au pied des camélidés. Ces bourrelets ne sont pas les
mêmes.

"mafriss parssah".

Afin d'identifier chafan et arnevet, nous devons d'abord clarifier la signification de "mafriss parssah".
Rachi écrit à propos de Lévitique 11, 3: "vechossaat chessa", c'est à dire "divisé en haut et en bas  (…) car il y a (un animal) dont le pied est divisé en haut et qui n'a pas le pied entièrement fendu et divisé, qui l'a joint en bas (Houlin, 71)" Puis encore, concernant le verset 26, Rachi commente: "mafresset parsah vechessa einena chossaat", c'est par exemple le gamal dont le pied est divisé en haut, mais joint en bas"
Cette interprétation nous amène à poser plusieurs questions:  
- Technique d'abord: nous n'avons pas trouvé cette citation en page 71 de Houlin, ni dans les pages voisines où nous avons cherché. Il nous apparaît, dans la question du Daat Zekenim, que cette explication est plus de Rachi que du Talmud. Et de toute façon, ceci n'est qu'un point mineur, dans la mesure où nous savons que les références mentionnées dans le commentaire de Rachi sur la Torah sont des ajouts ultérieurs de copistes.
- Le Siftei 'Hakhamim signifie qu'on ne peut interpréter "parssah lo yafriss" comme voulant dire que le chafan ne pose pas ses pieds cornés par terre en marchant, car tous les animaux ont le pied corné qu'ils posent par terre en marchant. En conséquence, "mafresset" et "yafriss" doivent vouloir dire "diviser" et non "poser le pied".
Ce point important sera tout à l'heure discuté et écarté, mais nous devons d'abord expliquer pourquoi Siftei 'Hakhamim s'étend si longuement sur l'explication que ces deux mots, bien qu'ayant la même racine f r s n'ont pas le même sens. Il n'est pas fréquent que deux mots ayant le même radical et figurant côte à côte n'aient pas le même sens.  
S'il était possible de traduire "mafresset" par "poser le pied", il s'agirait du verbe se rapportant au substantif "parsa" qui signifie "le pied corné". ["qui pose un pied corné"], car c'est un pied corné qui est utilisé pour prendre appui  au sol ou marcher. Cette expression ou le verbe et le mot de la même racine ont le même sens est "classique", d'usage.  Il en va de même pour "chossaat chessa": (elle divise un clivage, une séparation), ou dans Lévitique 19, 5 "tizbe'hou zava'h" (sacrifier un sacrifice), et 19, 9 "ouvekoutsekhem ett ketsir" (quand vous récolterez la récolte).
La difficulté de traduire deux mots d'une même racine situés côte à côte dans le texte par deux notions différentes sera résolue par la suite de notre étude.
A propos du verset 3, le Daat Zekenim pose le problème suivant: Si Rachi traduit "mafriss parssah" comme pieds cornés divisés en haut, et "chossaat chessa" par "divisés dessus et dessous" mais exclut  le gamal (verset 26) qui a le pied corné clivé dessus mais joint en dessous, par le verset "chossaat chessa", alors la Torah aurait dû écrire que le gamal est exclu des animaux cachers à cause de "vechsessa einena chossaat", et non parce qu'il n'est pas "mafriss parssah", car il est effectivement "mafriss parssah" au sens de Rachi (divisé en haut) mais n'est pas "chossaat chessa" (divisé en dessous).

Conjugaisons

Une autre question à la quelle il sera répondu à la fin de cet article est la suivante:  Pourquoi, dans la description du gamal dans le Lévitique, la Torah utilise-t-elle le présent, "einenou mafriss", le futur pour le chafan "lo yafriss" et le passé féminin pour arnevet "lo ifrissah", alors que leur qualité de ruminant –trait caractéristique aux trois animaux- est systématiquement au présent? Dans le Deutéronome 14, 7, le présent est utilisé pour les ruminants et les trois animaux sont énumérés dans une seule phrase, en utilisant un seul verbe, au passé: "oufarsa lo ifrissou".
La plus important de ces questions est la première: pourquoi le Lévitique utilise-t-il trois temps différents? Nous ne trouvons dans aucune Loi de la Torah l'emploi simultané de trois temps pour enseigner une même loi.
Pourquoi ici dans ce Lévitique, trouvons nous un  changement du présent au futur puis au passé d'une phrase à la suivante, et ce sans raison apparente.  Cette question nous amènera à l'identification de chafan et arnevet, et à une identification plus précise du gamal.

Poser les pieds sur terre

Nous ne pouvons répondre à la question de Daat Zekenim sur Rachi en utilisant les mots de Rachi dans le Lévitique.
Cependant, la référence au commentaire de Rachi dans le traité 'Houlin permet de résoudre cette difficulté et d'éliminer la question du Siftei 'Hakhamim.  Nous trouvons dans 'Houlin 75b (et c'est l'avis retenu dans Yoré Déah 13, 2): "si l'on procède à l'abattage rituel d'un animal et qu'on y trouve un fœtus vivant de neuf mois, s'il a été hifriss sur le sol, il nécessite un abattage rituel pour être consommé.
Mais si ses pieds cornés sont keloutot, joints, (commenté par le Ramo: son pied corné est tout un et non pas divisé), alors bien qu'il fut  hifriss  il ne nécessite pas d'abattage rituel. Mais certains décisionnaires doutent de ceci.
Or Rachi, dans 'Houlin a traduit hifriss  comme "se dressait sur des pieds cornés"; bien que tout de suite après, la discussion porte sur une "kelouta", un animal dont le pied corné n'est pas clivé.  Rabbi Yossef Karo, auteur du Yoré Déah utilise lui aussi le mot hifriss  dans le même sens que Rachi, bien que lui aussi se réfère à un animal dont les pieds cornés ne sont pas divisés du tout, mais joints en un, selon la définition du Ramo.
Il apparaît donc que la racine f r s ne signifie pas obligatoirement que le pied corné de l'animal est séparé, clivé ou divisé, mais elle signifie, selon Rachi, uniquement "debout", utilisant ses pieds cornés, exactement ce que le Siftei 'Hakhamim dit qu'elle ne peut signifier ici.
Il est donc établi que hifriss  signifie "debout sur un pied corné".que ce pied soit divisé ou non.  Chossaat chessa, bien entendu signifie que ce que Rachi dit qu'il signifie, à savoir entièrement divisé, mais dessus et dessous. (Il nous semblait curieux de traduire mafriss comme "séparé en haut" et chossaat chessa coomme "séparé en bas").

Nous avons déjà cité le Dr Hertz qui dit qu'il y a sous le pied du chameau un bourrelet ou coussinet élastique qui donne appui au chameau dans le sable, et comme l'a dit le Dr Koopman, "la surface plantaire (la parssah de Rachi, qu'il traduit en français par planta) est au contraire couverte par  un gros coussinet fibreux, qui est ce sur quoi l'animal se déplace".

Bien entendu, le chameau, chafan et arnevet ont le pied corné, et c'est là la raison pour laquelle ils sont interdits! La Torah ne se préoccupe pas de savoir si leurs pieds sont partiellement clivés ou le sont entièrement; en effet le Malbim dit que leurs pieds sont moufrassot et que les naturalistes classent le chameau dans la catégorie des mafrissei parssah. (Bien entendu, ceci n'est pas conforme à la traduction de Rachi dans 'Houlin).

Pattes de dromadaire

 

 

Cependant la Torah  dit qu'ils ne sont pas mafriss parssah. La réponse est que maffriss signifie se tenir debout, poser le pied ou marcher sur le pied corné.
Ainsi la question du Daat Zekenim disparaît, quelle que soit le degré de séparation du pied, cela ne rend aucunement cacher puisque son pied ne touche pas le sol.

Ainsi on répond encore à la question pourquoi le  Siftei 'Hakhamim ne traduit pas mafriss parssah comme "marchant sur les pieds cornés", et que la Torah  dit einenou mafriss, non pas que le chameau n'ait pas le pied corné, mais parce qu'il ne se tient pas debout sur la corne de ses pieds.  Et c'est cela que veut dire Rachi quand il dit "joint en bas", mais ce n'est pas le pied corné qui est joint en bas mais qu'il y a autre chose, ce bourrelet, qui empêche le pied de toucher le sol par sa corne.

 

Lama?

Nous pouvons donc maintenant identifier chafan et arnevet.  Si nous traduisons mafriss parssah comme le fait Rachi dans 'Houlin, ce qui répond à la question du Daat Zekenim, nous sommes à la recherche de deux animaux, en plus du gamal, qui se tiennent debout sur des bourrelets placés au bas de leurs pieds cornés.

Nous avons adressé des demandes de renseignements concernant de tels animaux à de nombreuses sources, et nous avons fini par recevoir trois documents de Grace Davall, Assistant Conservateur des Mammifères et Oiseaux du Zoo de Bronx.
Elle écrit: "Je n'avais pas l'intention de vous adresser ce troisième document, mais pourquoi pas? Il concerne la dentition et est extrait de "La nouvelle histoire naturelle" de Richard Lydekker".

Pattes de chameau

Et là, dans une partie qu'elle a rayée, nous avons trouvé la réponse. Dans la rubrique Chameaux et Lamas, l'auteur écrit: "Les pieds forment des bourrelets larges et étendus sous forme de coussinets (ce dont le groupe tire son nom de Tylopodes), dont la surface inférieure n'est pas divisée." Voici donc la réponse. Tous les animaux de ce groupe ressemblent au chameau en ce qu'ils ont ces bourrelets sous forme de coussinets dont la surface inférieure n'est pas divisée. La signification du mot Tylopode, en effet, est tylo, calus, bourrelet, et pode pied.

Il ne nous reste plus qu'à trouver tous les animaux faisant partie de ce groupe.

Il comprend deux sortes de chameaux et quatre sortes de lama. Le fait qu'il ne comprend aucun autre animal ressort du nom de ce groupe et du titre du chapitre de Lydekker. Tous les autres animaux ayant des bourrelets étaient déjà exclus de la lettre de Koppman citée ci dessus. En outre, nous trouvons que la famille des chameaux –camélidés- comprend des chameaux et des lamas et constitue à elle seule le groupe des Tylopodes… Les chameaux et les animaux de leur espèce ruminent… Il n'existe que deux espèces de chameaux, le chameau de Bactriane qui a deux bosses et que l'on trouve encore dans les régions désertiques de l'Asie Cenrale, et le chameau d'Arabie ou dromadaire, animal entièrement domestiqué ayant une seule bosse de graisse, et qu'on trouve dans toute l'Afrique et dans le Sud Est Asiatique.  

Lama
Guanaco

 

 

En Amérique du Sud, on trouve des lamas, avec les deux espèces sauvages du Guanaco (ou Juanaco), plus grand, et du Vicugna, plus petit, et deux espèces domestiquées le lama proprement dit et l'alpaca.
Mais à ce point, nous nous heurtons à un problème: la Torah n'énumère que trois animaux dans ce groupe: gamal, chafan et arnevet. Comment faire pour faire tenir ces trois groupes sur ces six espèces? Et là, la Torah  nous éclaire. Nous nous étions demandé pourquoi la Torah utilise le présent "einenou mafriss" pour le gamal, le futur "lo yafriss" pour le chafan et le passé pour arnevet "lo ifrissah".

 

Pattes de lama


Or, tous les traducteurs, à commencer par les Targoumim et Rachi, en passant par le Rabbin Chimchon Raphael Hirsch et le Dr Hertz utilisent le présent pour ces trois expressions.  Le Rabbin Hirsch en donne l'explication suivante: "Alors qu'à propos du chameau, qui tout en n'ayant pas le pied corné complet, a pourtant un début de pied corné, la Torah dit "oufarssah einenou mafriss" pour chafan et arnevet elle dit "oufarssah lo yafriss" et "oufarssah lo ifrissah", ces derniers ne sont pas du tout des animaux ayant le pied corné, et ce changement est certainement en rapport avec la forme de leurs doigts de pieds".
Le Malbim fait une déclaration semblable "l'arnevet n'a pas le pied corné".
Or nous avons déjà démontré que ces animaux doivent avoir le pied corné.
Le Malbim cite le Talmud Houlin 42 "le Saint Béni soit Il saisit chaque espèce d'animal et la montra à Moché Rabénou".Le Sifra sur Lévitique 11 paragraphe 61 enseigne à propos de "voici l'animal" que Moché tenait l'animal et le montrait à Israël. Le Malbim note qu'il n'y a pas de divergence entre ces deux sources. Le Lévitique relate que D.ieu montrait à Moché, tandis que le Deutéronome relate ce que Moché répéta et montra au Peuple Juif.

Voici donc maintenant tout en place.
Dans le Lévitique, c'est comme si D.ieu disait à Moché "parles aux Enfants d'Israël; le gamal que vous avez connu en Egypte et que vous connaissez maintenant ne se tient pas debout sur des pieds cornés. Dis leur que cet animal que je te montre maintenant, ils ne l'ont jamais vu et ne le voient pas maintenant. Mais quand ils le verront dans l'avenir, ils constateront que cet animal ne se tient pas debout sur des pieds cornés, c'est le chafan qui est le lama et son cousin alpaca, guanaco et vicugna. L'arnevet ne se tenait pas debout sur des pieds cornés quand vous l'avez connu, et cet animal ne se trouve pas dans votre entourage actuellement".

En procédant par élimination, il ne nous reste plus qu'un seul Tylopode, c'est le chameau de Bactriane, à deux bosses, qui est l'arnevet.

Gravure du site de Salmanasser,
- 825 avant l'ère vulgaire.
Gravure à Persepolis
- 500 avant l'ère vulgaire

Sur le plan historique, nous pouvons nous appuyer sur le Pr Lionel I. Casson, Professeur d'Etudes Classique et de Littérature comparée à l'Institut Supérieur des arts et Sciences de l'Université de New York, qui écrit à propos de l'époque des pyramides (Everyday Life in Ancient Egypt): Nous sommes certains qu'à cette époque là ou même plus tôt, les Egyptiens connaissaient le dromadaire ainsi que le chameau à deux bosses bien qu'il soit certain qu'ils ne les ont pas utilisés eux mêmes et qu'ils ne les ont connu que par leur contact avec les peuplades du désert.
Plus tard, à l'époque grecque, ils utilisèrent le dromadaire, mais pas le chameau de Bactriane à deux bosses." Or à l'époque de Moché, les Egyptiens n'avaient certainement pas de chameau à deux  bosses, selon le verset Exode 9, 3 qui parle de l'extermination des animaux dont le gamal (dromadaire à une bosse) lors des plaies, et ne fait aucune allusion à la présence d'arnevet parmi les animaux domestiques).  On peut donc affirmer sans risque de se tromper que le chameau de Bactriane avait été connu des Enfants d'Israël  avant le don de la Torah, même s'il n'existait plus alors en Egypte. La seule fois où cet animal, arnevet, est mentionné dans la Torah c'est pour en interdire la consommation, avec usage du temps "passé", car il n'y en avait pas plus dans le désert, ce qui cadre avec la nature de cet animal plus adapté aux froids d'Asie Centrale.
Donc la Torah utilise dans le Lévitique le temps "passé" quand D.ieu  ordonne à Moché de le décrire aux Enfants d'Israël.
La rumination de ces animaux est écrite au présent, car c'est une description délicate (Note de K.Acher: nous n'avons pas saisi le sens exact de la traduction), tandis que les caractéristiques du pied corné et fendu sont un fait d'observation: nous l'avons observé (arnevet), nous le voyons (gamal), nous le verrons dans le futur (chafan= lama).
Dans le Deutéronome, Moché montre ces animaux aux Enfants d'Israël; ils se trouvent tous dans la même phrase, et Moché leur dit en quelque sorte: "voyez, ces animaux ne se sont jamais tenus debout sur des pieds cornés".

Le point important est que dans le Lévitique les trois animaux sont décrits par trois temps différents, et c'est précisément ce fait qui nous permet de les identifier. Ainsi, tout gamal est un chameau, mais pas tout chameau est un gamal, le chameau de Bactriane à deux bosses étant arnevet.

Vers la conclusion

Il y a beaucoup de choses intéressantes à tirer d'une étude de ces trois animaux.
(…)
Maintenant que nous avons identifié arnevet comme étant le chameau à deux bosses, nous pensons que le Talmud Meguilah 9a devient clair. Il y est dit que le Roi Ptolémée rassembla 72 Sages, et leur ordonna de transcrire la Torah. Pour arnevet, qui était aussi le nom de la femme de Ptolémée, ils utilisèrent l'expression "tseirat haraglaïm", aux pattes courtes. Rachi commente que c'est parce que les pattes avant de arnevet sont plus courtes et plus petites que les pattes arrière. Or cette explication est difficile à saisir. Le Talmud dit que les raglaïm sont petits. Or raglaïm désigne soit les quatre pattes, soit les deux pattes arrière, tandis que yadaïm désignerait les mains, ou les pattes avant. Or Rachi commente exactement le contraire! Mais maintenant que nous savons que gamal est le dromadaire à une bosse et arnevet le chameau à deux bosses, le passage devient clair: le chameau de Bactriane à deux bosses est moins haut perché que le dromadaire, et a des jambes plus courtes!  Il a aussi des pieds plus durs et plus petits. Le Talmud ne fait que différencier entre les deux sortes de chameau et indique que arnevet a les quatre pattes plus courtes que le dromadaire.

Chameau tout étonné d'être surpris dans un paturage du 9-3 !

Pourquoi arnevet est elle un animal femelle, ayant des verbes conjugués au féminin? Ibn Ezra dit que c'est parce qu'on ne peut en trouver le mâle. Pour notre part, nous y voyons une particularité de la langue hébraïque qui met au féminin ce qui marche par paire: mains, pieds, oreilles, yeux. Or arnevet a une paire de bosses!

Après que nous ayons terminé l'ébauche de cet article, le Dr Moché Tendler nous a adressé un article du Rabbin Joseph Zeliger évoquant comme nous  que chafan est le lama et arnevet une sorte de chameau.

Pour conclure, nous devons avouer qu'il nous reste une question à propos de la dentition de chafan et arnevet, même si cette question ne change rien à l'identification que nous en avons faite.

La traduction correcte de Lévitique 11, 4 à 6 est dès lors:  <<Quant à ceux  qui ne sont que ruminant ou ceux qui se tiennent debout sur un pied corné, le chameau à une bosse  (gamal) , parce qu'il rumine mais ne se tient pas debout sur un pied corné (oufarsa einenou mafriss) (…), le lama  (chafan), parce qu'il rumine, mais ne se tiendra pas debout sur un pied corné (oufarsa lo yafriss) .(…), le chameau à deux bosses (arnevet), parce qu'il rumine, mais ne se tenait pas debout sur un pied corné (oufarsa lo ifrissah): il sera immonde pour vous>

Conclusion de la conclusion


Maintenant nous aimerions poser deux questions.  Pour ceux qui pensent que la théorie de Wellhausen n'est toujours pas morte et enterrée, et que la Torah  est œuvre d'hommes (à D.ieu ne plaise!). Comment expliquez vous que Moché, ou Ezra, ou votre mystérieux rédacteur pourrait il savoir qu'il existe un troisième Tylopode animal qui rumine, n'a pas le pied divisé en dessous et ne se tient pas debout sur des pieds cornés? Le lama était totalement inconnu des habitants d'Europe, d'Asie et d'Afrique à l'époque où votre mystérieux rédacteur aurait concocté sa copie, plus de dix huit siècles avant la découverte de l'Amérique. Comment savait il qu'il y avait un tel animal dans le Nouveau Monde alors qu'on ignorait jusqu'à l'existence de ce continent?

Cannibalisme aztèque


Notre seconde question s'adresse aux adeptes d'autres religions qui proclament que la Torah était valable jusqu'à la venue de leur personnalité fondatrice qui l'aurait rendue caduque.
A qui donc la Torah  a-t-elle interdit de manger du lama?
Les Indiens d'Amérique ne connaissaient pas la Torah.
Ceux qui connaissaient la Torah  n'ont pas vu de lama avant que ne se soient écoulés plusieurs siècles depuis la "refondation" du judaïsme autour des pères fondateurs de ces nouvelles religions et donc bien après que la Torah n'ait perdu selon eux force de loi  (à D.ieu ne plaise!).

A qui donc le lama fut il interdit? La conclusion est claire: la Torah  est entièrement valable. Et seul Celui Qui a mis le lama sur les montagnes des Andes l'a défendu aux Juifs sur le Mont Sinaï. Il savait qu'un jour le lama serait connu des Juifs.

Annexe: le sabot de la vache.
Vous avez comme nous toujours voulu savoir à quoi ressemble ce sabot fendu qui fait toute la différence entre l'animal cacher et celui qui ne l'est point. Nos reporters ont pris ce risque et sont allés explorer les étables du net pour répondre à ces questions.

Fendu devant ...
... et jusque derrière.
La vache prend appui sur un sabot (de corne).
Pattes de dromadaire:
Ces photos sont reproduites avec l'autorisation du Dr Bernard Faye du CIRAD, centre d'études des camélidés.
Face plantaire?
Ces photos montrent que le dromadaire ne marche pas sur un sabot de corne, mais présentent deux doigts onglés.

Pattes de l'hyrax
Face plantaire?
Nous recherchons des explorateurs intrépides pour avoir les mêmes photos chez le cheval, l'ours, et des pattes de lièvre, de lapin, d'hyrax ou même de dahut ...

 

Pour être plus complet, citons toutefois l'épisode des Septante, relaté par le Traité Taanit, selon lequel le Roi Ptolémée II d'Egypte fit traduire en grec le Pentateuque par 72 Sages d'Israël, invités à Alexandrie.
Isolés les uns des autres dans 72 maisons, ils produisirent la même version du Pentateuque, avec les mêmes corrections des mots pouvant évoquer des dieux multiples. Et une modification plus protocolaire, où ils traduisirent arnevet par "animal aux courtes pattes". La mère, - ou le père de Ptolémée, portait le nom de Lagos, lièvre, et il était inconcevable d'écrire que le lièvre était un animal impur ...

Un dossier préparé par K. Acher